Gilles Ansel
Ebéniste touche à tout, Gilles Ansel apporte une touche
contemporaine et urbaine au design artisanal avec sa nouvelle
série « Apperception. »
La ligne, la forme et la représentation sont les moteurs de son
travail. Ces colonnes lumineuses à la matérialité tangible
s’imposent dans l’espace comme un repère. Un point géographique
dicté par une architecture qui pourrait être celle d’une oeuvre
monde. Une inspiration née de découvertes poétiques, à la
rencontre des hommes et de la matière. « Mes voyages en Inde, au
Mexique et au Mali m’ont apporté une grande fascination sur
l'ingéniosité des artisans travaillant dans la rue avec des outils
plus que rudimentaires pour produire toute sorte d'objets géniaux.
Dès mon retour en France, j'ai décidé de suivre une formation
d'ébénisterie à Paris. »
Gilles Ansel travaille le bois massif des forêts qui l’entourent.
Les essences locales sont issues du frêne, du merisier, du
cerisier, du noyer, du hêtre et du chêne. L'économie de moyens et
l'utilisation de la matière brute sont au centre de son procédé.
La planche de bois brut est d’abord dégauchie et rabotée. Puis à
l’aide d’une scie circulaire, il réalise les traits horizontaux
sur une face et les traits verticaux sur l'autre. Les fenêtres se
dessinent à mi-bois. Enfin, l’assemblage de quatre planches donne
naissance à la colonne sous quelques variantes.
Le matériau sensible, riche et précieux habille les pleins et les
vides, entre profondeur et surface. Un glissement transforme la
ligne qui devient volume. Le design radical, totémique révèle un
dispositif scénographique parfaitement maîtrisé, constituant un
tout indivisible. Les colonnes s’érigent ensemble évoquant un
minutieux concentré urbain, un city center futuriste, idéaliste
moderniste où les gratte-ciels règnent sous le gigantisme et la
structure. « Le Bauhaus, la littérature et le cinéma
d'anticipation de 1984, Métropolis ou Brazil sont mes sources
d’inspiration (…) Ayant vécu dans un building, le Palacio
d'Abraxas de Ricardo Bofill a Noisy le Grand, j'ai été frappé par
l'aspect déshumanisé et déprimant que pouvait avoir ce bâtiment,
qui, décrépi en plein jour se transformait en magnifique décor
de cinéma dès la nuit tombée. »
Les compositions se nourrissent du réel pour basculer vers un
univers fictionnel. Décoratif et sculptural, entre art et design,
son travail confond les projections mentales des regardeurs. Un
entre-deux qui permet d’être approprié par tous. Et puis la
lumière amplifie l’attraction. Par cette aperception éclairée,
l’esprit appréhende une nouvelle lecture de l’oeuvre.
« Le jour la lumière souligne la matière et la nuit elle devient
matière. La nuit mes colonnes prennent une dimension
supplémentaire par le jeu des ombres portées, comme un
prolongement insoupçonné de la matière (…) Les colonnes de l'hyper
centre ville la nuit sont une forêt stylisée le jour. »
Un sens additionnel se construit et érige l’oeuvre de Gilles Ansel
au rang de l’art minimal et conceptuel. Non sans évoquer
l’adoption de la forme idéaliste et verticale de la gestalt de
Robert Morris, de la marqueterie tridimensionnelle de Richard
Artschwager ou encore des travaux sur les ombres lumineuses de Dan
Flavin. Simples, élémentaires et brutes, les colonnes lumineuses
de Gilles Ansel se limitent merveilleusement à l’essentiel.
Caroline Canault